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FIOR D’ALIZA.

remuer les doigts sur les trous du chalumeau de la zampogna, à chercher à l’envi l’un de l’autre des airs nouveaux dans l’outre du vent qui s’enflait et se désenflait de musique sous notre aisselle ; ici, là, enfin partout, toujours deux, toujours ensemble, toujours un ! quand vous en appeliez un, mon père ou ma tante, il en venait toujours deux, car votre appel ne trouvait jamais l’un sans l’autre.

CXXVI

Ce fut ainsi jusqu’à l’approche de mes quatorze ans ; jusque-là ni moi ni lui nous n’avions senti le moindre ombrage l’un de l’autre ; nous nous regardions tant qu’il nous plaisait dans le fond des yeux, sans que le regard de l’un troublât le moins du monde l’œil de l’autre pas plus que le rayon de midi ne trouble l’eau de la grotte quand il la regarde à travers les feuilles du frêne, et qu’il la transperce jusqu’au fond, sans y voir seulement sombrir autre chose que son image. Nous nous regardions quelquefois ainsi par badinage jusqu’à ce que l’eau du cœur nous monta de fatigue dans les yeux ; mais cette eau était aussi pure que celle de la grotte au soleil.