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CHAPITRE V.

ce qu’il m’a fait pour le haïr ? Ou bien : Est-ce qu’il ne m’aime pas ? Mais qu’est-ce que je lui ai tait pour qu’il me haïsse ?

Ce fut le temps où je me cachai de ma tante elle-même pour m’habiller, toute seule, derrière la porte de la maison, les dimanches, et où je me regardai pour les premières fois dans le morceau de miroir cassé encadré dans le mur contre la cheminée. Il semblait que je voulusse me faire belle pour mon ange gardien, car, quand les pèlerins passaient par hasard près du châtaignier, et qu’ils regardaient en se parlant entre eux mon visage, cela me faisait honte au lieu de me faire plaisir ; ce n’était pas pour eux que je désirais voir mes cheveux reluire comme de l’or au soleil.

CXXIX

Pourtant je vis bien qu’Hyeronimo n’avait rien contre moi quand il s’élança à mon secours, comme un saint Michel dans le tableau, contre les sbires, et qu’il tira, à la vue de mon sang, son tromblon contre la gueule de six fusils braqués sur sa poitrine. Je dois même dire que je me réjouis en moi-même de voir couler mon sang sur mes bras, puisque ces grains de plomb qu’il m’arracha de la peau avec ces dents lui étaient entrés plus avant qu’à moi dans le cœur.