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CHAPITRE V.

CXXXIII

— Je leur dis alors, comme on parle dans le délire de la fièvre, tout ce qu’on peut dire quand on a perdu sa raison et qu’on n’écoute rien de ce qui combat votre folie par des raisons, des caresses ou des menaces : que mon parti était pris ; que si Hyeronimo devait mourir, il valait autant que je mourusse avec lui, car je sentais bien que ma vie serait coupée avec la sienne ; que des deux manières ils serait également privés de leurs deux enfants ; que, vivant, il aurait peut-être besoin de moi là-bas ; que, mourant, il lui serait doux de me charger au moins pour eux de son dernier soupir et de prier en voyant un regard de sœur le congédier de l’échafaud et le suivre au ciel ; que la Providence était grande, qu’elle se servait des plus vils et des plus faibles instruments pour faire des miracles de sa bonté ; que je l’avais bien vu dans notre Bible, dont ma tante nous disait le dimanche des histoires ; que Joseph dans son puits avait bien été sauvé par la compassion du plus jeune de ses frères ; que Daniel dans sa fosse avait bien été épargné par les lions ; enfin tant d’autres exemples de l’Ancien Testament ; que j’étais décidée a ne pas abandonner, sans le suivre, ce frère de mon cœur, la chair de ma chair, le regard de mes yeux, la vie de ma vie ;