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FIOR D’ALIZA.

ment, car, s’il m’avait dit : Entre dans cette loge, et qu’Hyeronimo et moi, nous nous fussions vus ainsi tout à coup, devant le bargello, face à face, sans être d’intelligence avant cette rencontre ; un cri de surprise et un élan l’un vers l’autre nous auraient trahis certainement.

La Providence nous protégea bien tous deux, en inspirant au bargello, sur la foi des sbires, cette terreur et cette horreur pour le pauvre innocent.

Rien qu’a son nom et à l’aspect de son cachot, mes jambes fléchissaient sous mon corps. Le piccinino, pour cette fois, resta après nous dans la cour et fit tout seul la distribution des vivres aux prisonnières et aux prisonniers.

Le bargello rentra dans son greffe, et sa femme, survenant à son tour, m’enseigna complaisamment tout ce que j’avais à faire dans la maison : à aider le cuisinier dans les cuisines, à tirer de l’eau au puits, à balayer les escaliers et la cour, à nourrir les deux gros dogues qui grondaient aux deux portes, à jeter du grain aux colombes, à faire les parts justes de pain, de soupe et d’eau aux prisonniers, même à porter trois fois par jour une écuelle de lait à la captive de la deuxième loge pour l’aider à mieux nourrir son enfant, qu’elle ne suffisait pas à allaiter par suite du chagrin qui la consumait, la pauvre jeune mère !