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FIOR D’ALIZA.

votre intérêt, ajoutai-je, car si on venait à visiter les poches des détenus et qu’on y découvrit cette lime, on supposerait que vous l’avez sur vous pour en faire mauvais usage : on doublerait peut-être le temps de votre peine ou on vous enlèverait sans doute la consolation de conserver votre enfant.

— Oh ! Dieu, dit la jeune mère, serait-on bien assez barbare ! Mais vous avez peut-être raison, dit-elle, en fouillant dans ses poches avec précipitation. Tenez ! voila la boucle d’oreille et la lime sourde, et elle me glissa par-dessous les barreaux un petit peloton de fil noir qui contenait les deux reliques de son amant.

Elle pleurait en me les remettant, et ses doigts semblaient vouloir retenir ce que me tendait sa main. Je pris le peloton, je le déroulai, je pris la lime, que je glissai entre ma veste et ma chemise, et je lui rendis la boucle d’oreille cassée, qu’elle baisa plusieurs fois en la cachant dans sa poitrine.

CCVIII

Ce fut ainsi qu’à tout risque je me procurai cette lime que je n’aurais pu me procurer dans la ville de Lucques, parce qu’une fois entré en fonctions, un porte-clefs ne peut plus sortir des murs, et parce que, si j’avais fait acheter une lime par le piccinino ou par un autre commissionnaire de la prison, on aurait soupçonné que j’avais été corrom-