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FIOR D’ALIZA.

Les pauvres prisonniers me disaient de même :

— Au moins notre oreille est libre quand notre âme suit dans l’air les sons qui chantent ou qui prient avec ton instrument. Mais il n’y avait qu’Hyeronimo qui comprit ma pensée et la sienne dans les joies ou dans les tristesses de la zampogne : nos deux âmes s’unissaient dans le même son !

La pauvre femme du forçat seule ne s’y plaisait pas.

— Ah ! soupirait-elle en soulevant son beau nourrisson endormi du mouvement de sa poitrine, à présent qu’il n’y est plus, je ne pense plus seulement à la musique ; quand un air ne tombe pas dans un cœur, qu’importe ? Ce n’est que du vent.

Mais quels moments délicieux, quoique tristes, comptaient pour lui et pour moi les voûtes de son cachot, quand j’y rentrais le matin avant que le bargello fût levé, pendant que le piccinino dormait encore et que personne ne pouvait nous surprendre ou nous entendre !

À peine, dans ces moments-là regrettions-nous d’être en prison, tant le bonheur de nous être avoué notre amour nous inondait tous les deux ! Qu’est-ce qu’il me disait, qu’est-ce que je lui disais, je n’en sais plus rien ; pas beaucoup de mots peut-être, rien que des soupirs, mais dans ces silences, dans ce peu de mots, il y avait d’abord la joie de savoir que nous nous étions trompés et bien trompés, monsieur, en croyant depuis six mois que nous avions de