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CHAPITRE VIII.

cette chose (ici il hésita et il fallut pour ainsi dire l’arracher parole par parole de ses lèvres), c’était de mourir sans que nous eussions été, lui et moi, mariés ou tout au moins, ne fût-ce qu’un jour, fiancés sur la terre, puisque, selon la parole des moines de la montagne, les âmes qui avaient été unies indissolublement ici-bas par la bénédiction des fiançailles ou du mariage, étaient à jamais unies et inséparables dans le ciel comme sur la terre, dans l’éternité comme dans le temps

En disant cela, il se cachait le visage entre ses deux mains, et on voyait de grosses larmes glisser entre ses doigts et tomber sur la paille comme des gouttes de pluie.

Je ne pus pas y tenir, ma tante, et je collai mes lèvres sur ses doigts qui me cachaient son visage.

— Je ne savais pas cela, mon cousin, lui dis-je, enfin, en lui desserrant ses doigts mouillés du visage pour voir ses yeux ; je ne croyais pas que, quand on s’aimait dans ce monde, on pouvait jamais cesser de s’aimer dans l’autre, lui dis-je en pleurant à mon tour ; est-ce qu’on a donc deux âmes ? une pour la terre, une pour le ciel ? une pour le temps, une pour l’éternité ? Quant à moi, je ne m’en sens qu’une, et elle a toujours été autant dans ta poitrine que dans la mienne : l’idée de voir, de penser, de respirer seulement sans toi, ici ou là ne m’est jamais venue.

Il me serra encore plus étroitement contre lui-même.

— Mais, puisque c’est ainsi et que tu le crois, toi qui es plus savant que moi, je le veux autant que toi, repris-je,