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FIOR D’ALIZA.

CCXLIV

Ainsi fut fait, monsieur, nous ne pûmes rien nous dire tant que nous n’entendîmes pas s’approcher sous le cloître le bruit des sandales du moine et des pas légers de Fior d’Aliza.

À ce moment, je me collai seule contre la grille, et je bus des yeux le visage de ma chère enfant. Mon Dieu ! qu’elle était belle ! mais qu’elle était pale dans son costume sombre de gardien d’une prison ! Ses yeux, en me regardant à la dérobée, pendant qu’elle pouvait être entrevue de nous en passant et repassant, étaient tellement voilés de larmes mal contenues, qu’on ne pouvait les voir que comme on voit une pervenche mouillée à travers les gouttes d’eau au bord de la source. Comme le cloître était bien long et que le frère Hilario marchait pesamment, à cause de son âge, nous causions, Hyeronimo, mon frère et moi, pendant la distance d’un bout du cloître à l’autre bout ; le chien même semblait s’en mêler, monsieur, et ses yeux semblaient véritablement pleurer autant que les miens, quand je regardais Fior d’Aliza ou Hyeronimo. Il n’y avait que le père qui ne pleurait pas, hélas ! parce que ses yeux aveugles ne donnaient plus de larmes ; mais son cœur n’en était que plus noyé !