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CHAPITRE IX.

et en ralentir les heures ! les unes pour mourir tout de suite et pour aller l’attendre dans le paradis, dont je n’aurais vu que quelques heures sur la terre, et les autres pour lui rendre la liberté et la vie, lui sacrifiant à son insu la mienne !

CCLIII

Enfin elle passa ; je n’osai pas, par mauvaise honte, m’approcher beaucoup de la loge où Hyeronimo m’attendait, sans vouloir m’appeler, la tête en ses deux mains, appuyé sur la grille du cachot, me regardant à travers les mèches de ses cheveux rabattus sur sa tête ; et moi, du haut de ma fenêtre, plongeant mes regards furtifs sur sa figure immobile dans la demi-ombre de sa loge. Je ne sentais ni la faim ni la soif, monsieur, et je dis a la femme du bargello que j’étais malade, pour me dispenser de m’asseoir a table avec ces braves gens. Je ne dormis pas non plus, mais je priai pendant la nuit tout entière pour que mon bon ange et ma patronne intercédassent auprès de Dieu, et pour que le jour suivant me fît sa sposa, et pour qu’ils me donnassent le surlendemain, jour fixé pour sa mort, la force et l’adresse de mourir pour lui.

Bien longtemps avant que le jour blanchit les montagnes de Lucques, je lavai sur mon visage la trace de mes larmes, je peignai mes blonds cheveux et je me regardai