Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/397

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Je les ai lus trois fois, ces vers consolateurs,
Sans me laisser surprendre à leurs philtres flatteurs :
Sur ce nectar du cœur j’ai promené la loupe ;
J’ai vidé le poison, mais j’ai gardé la coupe,
Cette coupe où la main a ciselé dans l’or
Ton amitié pour moi que j’y veux lire encor !
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Il est doux, au roulis de la mer où l’on nage,
De voir un feu lointain luire sur le rivage.
De sentir au milieu des pierres de l’affront
La feuille d’oranger vous tomber sur le front ;
Pour rendre à cet ami l’odorante pensée
On cherche avec amour la main qui l’a lancée.
Et l’on éprouve un peu ce que Job éprouva
Lorsque de son fumier son ange le leva.
Au plus noir de l’absinthe à mes lèvres versée
C’est là l’impression du miel de ta pensée.
Je me dis : « Ce vent doux parmi tant de frimas
N’est pas né, je le sens, dans les mêmes climats :
Mais, venu d’Orient, son souffle que j’aspire
A l’odeur d’un laurier et le son d’une lyre !… »

Ce n’est pas cependant que mon esprit, enflé
De l’orgueilleux chagrin d’un grand homme sifflé.
Jugeant avec mépris le siècle qui le juge,
Cherche à sa vanité ce sublime refuge
Où le Tasse et Milton, loin de leurs détracteurs,
Ont, leur gloire à la main, attendu leurs lecteurs.
Lorsque dans l’avenir un siècle ingrat l’exile,
Oui, l’immortalité du génie est l’asile ;
Mais pour chercher comme eux l’ombre de ses autels.
Il faut avoir commis leurs livres immortels ;