Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/421

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

?

Es-tu comme le large glaive
Dans les tombes de nos aïeux,
Qu’aucun bras vivant ne soulève
Et que Ton mesure des yeux ?
Harpe colossale, es-tu comme
Ces immenses ossements d’homme
Que le soc entraîne avec lui,
Grands débris d’une autre nature
Qui, pour animer leur stature,
Voudraient dix âmes d’aujourd’hui ?

Est-ce que l’haleine divine
Qui souffla mille ans sur ces bords
Ne soulève plus de poitrine
Assez mâle pour tes accords ?
Cordes muettes de Solyme,
Que faut-il pour qu’un Dieu ranime
Ces ferventes vibrations ?
Viens sur mon sein, harpe royale :
Écoute si ce cœur égale
Tes larges palpitations.

N’y sens-tu pas battre cette âme
Qui lutte avec des sens mortels,
Et qui jette au milieu du drame
Des cris qui fendent les autels ?
N’y sens-tu pas dans son cratère,
Comme des laves sous la terre,
Gronder les fibres de douleurs ?
N’entends-tu pas sous leurs racines,
Comme un Cédron sous ses ravines.
Filtrer le sourd torrent des pleurs ?