Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/449

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne faut pas gravir un foudroyant sommet,
Voir sécher ou fleurir la verge du prophète,
Des cornes du bélier diviniser sa tête,
Ni passer sur la flamme au vent de la tempête
Le pont d’acier de Mahomet :

Il faut plonger ses sens dans le grand sens du monde
(Qu’avec l’esprit des temps notre esprit s’y confonde),
En palper chaque artère et chaque battement,
Avec l’humanité s’unir par chaque pore,
Comme un fruit qu’en ses flancs la mère porte encore.
Qui vivant de sa vie éprouve avant d’éclore
Son plus obscur tressaillement !

Oh ! qu’il a tressailli, ce sein de notre mère !
Depuis que nous vivons, nous, son germe éphémère,
Nous, parcelle sans poids de sa vaste unité,
Quelle main créatrice a touché ses entrailles ?
De quel enfantement, ô Dieu ! tu la travailles !
Et toi, race d’Adam, de quels coups tu tressailles
Aux efforts de l’humanité !

Est-ce un stérile amour de sa décrépitude,
Un monstrueux hymen qu’accouple l’habitude,
Embryon avorté du doute et du néant ?
Est-ce un germe fécond de jeunesse éternelle
Que pour éclore à temps l’amour couvait en elle,
Et qui doit en naissant suspendre à sa mamelle
L’Homme-Dieu d’un monde géant ?