Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/456

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« Oh ! dis-tu, si ton âme a vu toutes ces choses,
Si l’humanité marche à ces apothéoses,
Comment languir si loin ? comment croupir si bas ?
Comment, rentrant au cœur sa colère indignée,
Suivre dans ses sillons la brute résignée,
Et ne pas soulever la hache et la cognée
Pour lui faire presser ses pas ?

« Honte à nous ! honte à toi, faible et timide athlète !
Allume au ciel ta torche ! » Ami, dit le poète,
Nul ne peut retenir ni presser les instants ;
Dieu, qui dans ses trésors les puise en abondance,
Pour ses desseins cachés les presse ou les condense ;
Les hâter, c’est vouloir hâter sa Providence :
Les pas de Dieu sont ceux du temps !

Hé ! que sert de courir dans la marche sans terme ?
Le premier, le dernier, qu’on l’ouvre ou qu’on la ferme,
La mort nous trouve tous et toujours en chemin !
Le paresseux s’assied, l’impatient devance ;
Le sage, sur la route où le siècle s’avance/
Marche avec la colonne au but qu’il voit d’avance,
Au pas réglé du genre humain !

Il est, dans les accès des fièvres politiques,
Deux natures sans paix de cœurs antipathiques ;
Ceux-là dans le roulis, niant le mouvement,
Pour végétation prenant la pourriture,
A Fi m mobilité condamnant la nature,
Et mesurant, haineux, à leur courte ceinture
Son gigantesque accroissement !