Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/10

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Rentré en Europe, j’aurais pu sans doute revoir ces fragments d’impressions, les réunir, les proportionner, les composer, et faire un voyage comme un autre. Mais, je l’ai déjà dit, un voyage à écrire n’était pas dans ma pensée. Il fallait du temps, de la liberté d’esprit, de l’attention, du travail ; je n’avais rien de tout cela à donner. Mon cœur était brisé, mon esprit était ailleurs, mon attention distraite, mon loisir perdu ; il fallait ou brûler ou laisser aller ces notes telles quelles. Des circonstances inutiles à expliquer m’ont déterminé à ce dernier parti ; je m’en repens, mais il est trop tard.

Que le lecteur les ferme donc avant de les avoir parcourues s’il y cherche autre chose que les plus fugitives et les plus superficielles impressions d’un voyageur qui marche sans s’arrêter. Il ne peut y avoir un peu d’intérêt que pour des peintres : ces notes sont presque exclusivement pittoresques ; c’est le regard écrit, c’est le coup d’œil d’un passager assis sur son chameau ou sur le pont de son navire, qui voit fuir des paysages devant lui, et qui, pour s’en souvenir le lendemain, jette quelques coups de crayon sans couleur sur les pages de son journal. Quelquefois le voyageur, oubliant la scène qui l’environne, se replie sur lui-même, se parle à lui-