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quelques jours dans un ou deux cœurs ; une place au soleil ; mon chien qui me cherchera ; des arbres que j’ai aimés, et qui s’étonneront de ne me pas voir revenir sous leur ombre : voilà tout ! Et puis tout cela passera à son tour. On ne commence à sentir l’inanité de l’existence que du jour où l’on n’est plus nécessaire à personne, que de l’heure où l’on ne peut plus être chéri. La seule réalité d’ici-bas, je l’ai toujours senti, c’est l’amour, l’amour sous toutes ses formes.




7 août au soir, 6 heures.


Les côtes élevées de la Laconie sont là, à quelques portées de canon de nos yeux. Nous les longeons par une jolie brise ; elles glissent majestueusement devant nous. Accoudé sur la lisse du vaisseau, mes regards saisissent, pour s’en souvenir, ces formes classiques des montagnes de la Grèce : elles se déroulent aussi comme des vagues de pierre et de terre ; elles s’élèvent, s’abaissent, se groupent devant moi comme les nuages de la patrie de son âme devant l’esprit d’Ossian. Je passe une ou deux heures à faire en silence cette revue des collines et des noms sonores de cette terre morte. Les monts Chromius, où l’Eurotas prend sa source, lancent dans les airs leurs sommets arrondis ; le globe du soleil y descend et les frappe, comme les dômes de cuivre doré ; il enflamme autour de lui sa couche de nuages ; ces sommets