Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/106

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les haubans. La figure de l’enfant rayonne à tous les aspects, à tous les noms, à tous les faits historiques que sa mère lui raconte à mesure ; ses yeux flottent avec les nôtres sur toutes ces scènes dont les drames merveilleux lui sont déjà connus. Il y a du génie dans son regard ; on y voit la pensée profonde, vivante, chaude, rapide, d’une âme qui éclôt sous l’âme ardente et aimante de sa mère ; elle semble jouir autant que nous, et surtout parce qu’elle nous voit intéressés et heureux : car l’âme de cette enfant vit de la nôtre ; une larme vient dans ses yeux si elle me voit triste et rêveur ; ses traits sont un reflet simultané des miens, et le sourire de toutes nos joies n’attend jamais un sourire pareil sur ses lèvres. Qu’elle est belle ainsi !

J’ai vu longtemps, et sur toutes leurs faces, les montagnes de Rome et de la Sabine ; celles-ci les surpassent en variété de groupes, en majesté de formes, en splendeur éblouissante de teintes ; leurs lignes sont infinies ; il faudrait un volume pour décrire ce qu’un tableau dirait d’un regard : mais pour être vues dans toute leur beauté imaginaire, il faut les apercevoir ainsi au tomber du jour ; alors on les voit vêtues, comme dans leur jeunesse, de forêts et de verts pâturages, et de chaumières rustiques, et de troupeaux, et de pasteurs ; les ombres les vêtent ; elles n’ont pas d’autres vêtements, de même que l’histoire des hommes qui les ont illustrées a besoin des nuages du passé et des prestiges de la distance pour attacher et séduire nos pensées. Il ne faut rien voir au grand jour du soleil, à la lumière du présent ; dans ce triste monde, il n’y a de complétement beau que ce qui est idéal ; l’illusion en toutes choses est un élément du beau, excepté en vertu et en amour.