Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/137

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de la gloire de l’écrivain et de la puissance des masses sur lesquelles et par lesquelles il agit : — c’est le philosophe roi, s’il est philosophe ; mais son arme terrible, le peuple, se brise entre ses mains, le blesse et le tue lui-même ; — et puis ce qu’il fait, ce qu’il dit, ce qu’il remue dans l’humanité, passions, principes, intérêts passagers, tout cela n’est pas durable, n’est pas éternel de sa nature. — Le poëte, au contraire, et j’entends par poëte tout ce qui crée des idées en bronze, en pierre, en prose, en paroles ou en rhythmes ; le poëte ne remue que ce qui est impérissable dans la nature et dans le cœur humain ; — les temps passent, les langues s’usent ; mais il vit toujours tout entier, toujours aussi lui, aussi grand, aussi neuf, aussi puissant sur l’âme de ses lecteurs ; son sort est moins humain, mais plus divin ! il est au-dessus de l’orateur.

Le beau serait de réunir les deux destinées : nul homme ne l’a fait ; mais il n’y a cependant aucune incompatibilité entre l’action et la pensée dans une intelligence complète. L’action est fille de la pensée, — mais les hommes, jaloux de toute prééminence, n’accordent jamais deux puissances à une même tête ; — la nature est plus libérale ! Ils proscrivent du domaine de l’action celui qui excelle dans le domaine de l’intelligence et de la parole ; ils ne veulent pas que Platon fasse des lois réelles, ni que Socrate gouverne une bourgade.

J’envoyai demander au bey turc Youssouf-Bey, commandant de l’Attique, la permission de monter à la citadelle avec mes amis, et de visiter le Parthénon. — Il m’envoya un janissaire pour m’accompagner. — Nous partîmes le 20,