Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/172

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sa place M. Jorelle, gérant du consulat et drogman de France en Syrie, jeune homme dont la physionomie gracieuse et bienveillante nous prévint en sa faveur, et dont toutes les bontés, pendant notre long séjour en Syrie, justifièrent cette première impression. Il nous offrit une partie de la maison du consulat pour premier asile, et nous promit de nous faire chercher une maison dans les environs de la ville, où nous pourrions établir notre campement. En peu d’heures, les chaloupes de plusieurs navires et les portefaix de Bayruth, sous la surveillance des janissaires du consulat, eurent opéré le débarquement de notre monde et de nos provisions de tous genres ; et avant la nuit nous étions tous à terre, logés provisoirement et comblés de soins et d’égards par M. et madame Jorelle. C’est un moment délicieux que celui où, après une longue et orageuse traversée, arrivés à peine dans un pays inconnu, vous jetez les yeux, du haut d’une terrasse parfumée et riante, sur l’élément que vous quittez enfin pour longtemps, sur le brick qui vous a apportés à travers les tempêtes et qui danse encore dans une rade houleuse, sur la campagne ombragée et paisible qui vous entoure, sur toutes ces scènes de la vie de terre qui semblent si douces quand on en a été longtemps sevré : il y a quelque chose du sentiment de la convalescence après une longue maladie, dans l’impression des premières heures, des premières journées passées à terre après une navigation. Nous en avons joui toute la soirée. Madame Jorelle, jeune et charmante femme née à Alep, a conservé le riche et noble costume des femmes arabes : le turban, la veste brodée, le poignard à la ceinture. Nous ne nous lassions pas d’admirer ce magnifique costume, qui relevait encore sa beauté tout orientale.