Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tement poétique que les poëtes, et qu’elle-même en ce moment, à cette heure, dans ce beau site, à ce clair de lune, dans ce costume étranger, avec cette pipe orientale à la main et ce poignard à manche de diamant à sa ceinture, était un plus beau sujet de poésie que tous ceux que nous avions parcourus par la seule pensée. Et comme elle me répondit qu’il lui serait très-agréable d’avoir un souvenir de notre voyage à envoyer à son père à Alep, dans quelques vers faits pour elle, je me retirai un moment, et je lui rapportai les vers suivants, qui n’ont de mérite que le lieu où ils furent écrits, et le sentiment de reconnaissance qui me les inspira :

 
Qui ? toi ? me demander l’encens de poésie !
Toi, fille d’Orient, née aux vents du désert !
Fleur des jardins d’Alep, que Bulbul[1] eût choisie
Pour languir et chanter sur son calice ouvert !

Rapporte-t-on l’odeur au baume qui l’exhale ?
Aux rameaux d’oranger rattache-t-on leurs fruits ?
Va-t-on prêter des feux à l’aube orientale,
Ou des étoiles d’or au ciel brillant des nuits ?

Non, plus de vers ici ! Mais si ton regard aime
Ce que la poésie a de plus enchanté,
Dans l’eau de ce bassin[2] contemple-toi toi-même :
Les vers n’ont point d’image égale à ta beauté !

  1. Nom du rossignol en Orient.
  2. Toutes les cours des maisons en Orient ont un jet d’eau au milieu, et un bassin de marbre.