Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/175

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Quand le soir, dans le kiosque à l’ogive grillée,
Qui laisse entrer la lune et la brise des mers,
Tu t’assieds sur la natte à Palmyre émaillée,
Où du moka brûlant fument les flots amers ;

Quand, ta main approchant de tes lèvres mi-closes
Le tuyau de jasmin vêtu d’or effilé,
Ta bouche, en aspirant le doux parfum des roses,
Fait murmurer l’eau tiède au fond du narguilé ;

Quand le nuage ailé qui flotte et te caresse
D’odorantes vapeurs commence à t’enivrer,
Que les songes lointains d’amour et de jeunesse
Nagent pour nous dans l’air que tu fais respirer ;

Quand de l’Arabe errant tu dépeins la cavale
Soumise au frein d’écume entre tes mains d’enfant,
Et que de ton regard l’éclair oblique égale
L’éclair brûlant et doux de son œil triomphant ;

Quand ton bras, arrondi comme l’anse de l’urne,
Sur le coude appuyé soutient ton front charmant,
Et qu’un reflet soudain de ta lampe nocturne
Fait briller ton poignard des feux du diamant ;

Il n’est rien dans les sons que la langue murmure,
Rien dans le front rêveur des bardes comme moi,
Rien dans les doux soupirs d’une âme fraîche et pure,
Rien d’aussi poétique et d’aussi frais que toi !

J’ai passé l’âge heureux où la fleur de la vie,
L’amour, s’épanouit et parfume le cœur ;
Et l’admiration, dans mon âme ravie,
N’a plus pour la beauté qu’un rayon sans chaleur.