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lèvent pas d’un seul jet ; elles commencent par d’énormes collines semblables à des blocs immenses, les uns arrondis, les autres presque carrés : un peu de végétation couvre les sommets de ces collines, et chacune d’elles porte ou un monastère ou un village, qui réfléchit la lueur du soleil et attire les regards. Les pans des collines brillent comme de l’or : ce sont des murailles de grès jaunâtre, concassées par les tremblements de terre, et dont chaque parcelle réfléchit et darde la lumière. Au-dessus de ces premiers monticules, les degrés du Liban s’élargissent ; il y a des plateaux d’une ou deux lieues : plateaux inégaux, creusés, sillonnés, labourés de ravins, de lits profonds des torrents, de gorges obscures où le regard se perd. Après ces plateaux, les hautes montagnes recommencent à se dresser presque perpendiculairement : cependant on voit les taches noires des cèdres et des sapins qui les garnissent, et quelques couvents inaccessibles, quelques villages inconnus qui semblent penchés sur leurs précipices. Au sommet le plus aigu de cette seconde chaîne, des arbres qui semblent gigantesques forment comme une chevelure rare sur un front chauve. On distingue d’ici leurs cimes inégales et dentelées, qui ressemblent à des créneaux sur la crête d’une citadelle.

Derrière ces secondes chaînes, le vrai Liban s’élève enfin ; on ne peut distinguer si ces flancs sont rapides ou adoucis, s’ils sont nus ou couverts de végétation : la distance est trop grande. Ses flancs se confondent, dans la transparence de l’air, avec l’air même dont ils semblent faire partie ; on ne voit que la réverbération ambiante de la lumière du soleil qui les enveloppe, et leurs crêtes enflammées qui se confondent avec les nuages pourpres du matin, et qui pla-