Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/219

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de m’accompagner à Dgioun, résidence de cette femme extraordinaire.

Nous partîmes à quatre heures. J’étais accompagné du docteur Léonardi, de M. de Parseval, d’un domestique et d’un guide ; nous étions tous à cheval. Je traversai, à une demi-heure de Bayruth, un bois de sapins magnifiques plantés originairement par l’émir Fakardin sur un promontoire élevé, dont la vue s’étend à droite sur la mer orageuse de Syrie, et à gauche sur la magnifique vallée du Liban ; — point de vue admirable, où la richesse de la végétation de l’Occident, la vigne, le figuier, le mûrier, le peuplier pyramidal, s’unissent à quelques colonnes élevées de palmiers de l’Orient, dont le vent jetait, comme un panache, les larges feuilles sur le fond bleu du firmament. À quelques pas de là, on entre dans une espèce de désert de sable rouge, accumulé en vagues énormes et mobiles comme celles de l’Océan. — C’était une soirée de forte brise, et le vent les sillonnait, les ridait, les cannelait, comme il ride et fait frémir les ondes de la mer. — Ce spectacle était nouveau et triste comme une apparition du vrai et vaste désert que je devais bientôt parcourir. — Nulle trace d’hommes ou d’animaux ne subsistait sur cette arène ondoyante ; nous n’étions guidés que par le mugissement des flots d’un côté, et par les cimes transparentes des sommets du Liban de l’autre. — Nous retrouvâmes bientôt une espèce de chemin ou de sentier semé d’énormes blocs de pierres angulaires. — Ce chemin, qui suit la mer jusqu’en Égypte, nous conduisit jusqu’à une maison ruinée, débris d’une vieille tour fortifiée, où nous passâmes les heures sombres de la nuit, couchés sur une natte de jonc et enveloppés dans nos manteaux. —