Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/220

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Dès que la lune fut levée, nous remontâmes à cheval. — C’était une de ces nuits où le ciel est éclatant d’étoiles, où la sérénité la plus parfaite semble régner dans ces profondeurs éthérées que nous contemplons de si bas, mais où la nature, autour de nous, semble gémir et se torturer dans de sinistres convulsions. — L’aspect désolé de la côte ajoutait, depuis quelques lieues, à cette pénible impression. — Nous avions laissé derrière nous, avec le crépuscule, les belles pentes ombragées, les verdoyantes vallées du Liban. — D’âpres collines, semées de haut en bas de pierres noires, blanches et grises, débris des tremblements de terre, s’élevaient tout près de nous ; à notre gauche et à notre droite, la mer, soulevée depuis le matin par une sourde tempête, déroulait ses vagues lourdes et menaçantes, que nous voyions venir de loin, à l’ombre qu’elles jetaient devant elles, qui frappaient ensuite vers le rivage en jetant chacune son coup de tonnerre, et qui prolongeaient enfin leur large et bouillonnante écume jusque sur la lisière de sable humide où nous cheminions, inondant à chaque fois les pieds de nos chevaux et menaçant de nous entraîner nous-mêmes ; — une lune, aussi brillante qu’un soleil d’hiver, répandait assez de rayons sur la mer pour nous en découvrir la fureur, et pas assez de clarté sur notre route pour rassurer l’œil sur les périls du chemin. — Bientôt la lueur d’un incendie se fondit sur la cime des montagnes du Liban avec les brumes blanches ou sombres du matin, et répandit sur toute cette scène une teinte fausse et blafarde, qui n’est ni le jour ni la nuit, qui n’est ni l’éclat de l’un ni la sérénité de l’autre : heure pénible à l’œil et à la pensée, lutte de deux principes contraires dont la nature offre quelquefois l’image affligeante, et que plus souvent on retrouve dans son propre cœur. — À sept