Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/228

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favorable, ne soit contre-balancée par l’influence maligne d’une étoile opposée. Vous, au contraire, vous en avez plusieurs ; et toutes sont en harmonie pour vous servir, et toutes s’entr’aident en votre faveur. — Quel est votre nom ? — Je le lui dis. — Je ne l’avais jamais entendu ! reprit-elle avec l’accent de la vérité. — Voilà, Milady, ce que c’est que la gloire. — J’ai composé quelques vers dans ma vie, qui ont fait répéter un million de fois mon nom par tous les échos littéraires de l’Europe ; mais cet écho est trop faible pour traverser votre mer et vos montagnes, et ici je suis un homme tout nouveau, un homme complétement inconnu, un nom jamais prononcé ! Je n’en suis que plus flatté de la bienveillance que vous me prodiguez : je ne la dois qu’à vous et à moi. — Oui, me dit-elle, poëte ou non, je vous aime et j’espère en vous ; nous nous reverrons, soyez-en certain ! Vous retournerez dans l’Occident, mais vous ne tarderez pas beaucoup à revenir en Orient : c’est votre patrie. — C’est du moins, lui dis-je, la patrie de mon imagination. — Ne riez pas, reprit-elle ; c’est votre patrie véritable, c’est la patrie de vos pères. — J’en suis sûre maintenant : regardez votre pied ! — Je n’y vois, lui dis-je, que la poussière de vos sentiers qui le couvre, et dont je rougirais dans un salon de la vieille Europe. — Rien ; ce n’est pas cela, reprit-elle encore : — regardez votre pied. — Je n’y avais pas encore pris garde moi-même. — Voyez ; le cou-de-pied est très-élevé, et il y a entre votre talon et vos doigts, quand votre pied est à terre, un espace suffisant pour que l’eau y passe sans vous mouiller. — C’est le pied de l’Arabe, c’est le pied de l’Orient ; vous êtes un fils de ces climats, et nous approchons du jour où chacun rentrera dans la terre de ses pères. — Nous nous reverrons. » Un es-