Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/235

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hautes vertus. — Ce n’est pas cela, Milady, lui dis-je ; il y a des deux parts vices et vertus, mais dans les hautes classes ces vices mêmes ont un côté brillant ; mais dans la classe inférieure, au contraire, ces vices se montrent dans toute leur nudité, et blessent davantage le sentiment moral dans le regard qui les contemple : la différence est dans l’apparence, et non dans le fait ; mais, en réalité, le même vice est plus vice dans l’homme riche, élevé et instruit, que dans l’homme sans lumière et sans pain ; — car chez l’un le vice est de choix ; chez l’autre, de nécessité. — Méprisez-le donc partout, et plus encore chez l’aristocratie vicieuse, et ne jugeons pas l’humanité par classe, mais par homme : les grands auraient les vices du peuple, s’ils étaient peuple, et les petits auraient les vices des grands, s’ils étaient grands. La balance est égale ; ne pesons pas. — Eh bien ! passons, me dit-elle ; mais laissez-moi croire que vous êtes aristocrate comme moi : il m’en coûterait trop de vous croire du nombre de ces jeunes Français qui soulèvent l’écume populaire contre toutes les notabilités que Dieu, la nature et la société ont faites, et qui renversent l’édifice pour se faire, de ses ruines, un piédestal à leur envieuse bassesse ! — Non, lui dis-je, tranquillisez-vous ; je ne suis pas de ces hommes : je suis seulement de ceux qui ne méprisent pas ce qui est au-dessous d’eux dans l’ordre social, tout en respectant ce qui est au-dessus, mais dont le désir ou le rêve serait d’appeler tous les hommes, indépendamment de leur degré dans les hiérarchies arbitraires de la politique, à la même lumière, à la même liberté, et à la même perfection morale. Et puisque vous êtes religieuse, que vous croyez que Dieu aime également tous ses enfants, et que vous attendez un second Messie pour redresser toutes choses, vous pensez sans