Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/246

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de quelques morceaux de mouton haché, que l’on pile avec du riz bouilli, et dont on farcit certaines courges semblables à nos concombres. — C’est le mets le plus recherché et le plus savoureux, en effet, que l’on puisse manger dans tout l’Orient. Pour boisson, de l’eau pure que l’on boit dans des jattes de terre à longs becs, qu’on passe de main en main, et dont on fait couler l’eau dans sa bouche entr’ouverte, sans que le vase touche les lèvres. Ni couteaux, ni cuillers, ni fourchettes : on mange avec les mains ; mais les ablutions multipliées rendent cette coutume moins révoltante pour les musulmans.

À peine avions-nous fini de dîner, que l’émir nous envoya dire qu’il nous attendait. Nous traversâmes une vaste cour ornée de fontaines, et un portique formé de hautes colonnes grêles qui partent de terre, et portent le toit du palais. — Nous fûmes introduits dans une très-belle salle dont le pavé était de marbre, et les plafonds et les murs peints de couleurs vives et d’arabesques élégantes par des peintres de Constantinople. — Des jets d’eau murmuraient dans les angles de l’appartement ; et dans le fond, derrière une colonnade dont les entre-colonnements étaient grillés et vitrés, on apercevait un tigre énorme, dormant la tête appuyée sur ses pattes croisées. — La moitié de la chambre était remplie de secrétaires avec leurs longues robes et leur écritoire d’argent, passée en guise de poignard dans leur ceinture ; d’Arabes richement vêtus et armés ; de nègres et de mulâtres attendant les ordres de leur maître, et de quelques officiers égyptiens revêtus de vestes européennes et coiffés du bonnet grec de drap rouge, avec une longue houppe bleue pendant jusque sur les épaules. — L’autre partie de l’ap-