Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/288

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leur sommet de bouquets de pins, interrompaient à chaque instant son cours, et le divisaient à nos yeux en mille tronçons lumineux. De degré en degré, des collines partant de la plaine s’élevaient, s’accumulaient, s’appuyaient les unes contre les autres, toutes couvertes de bruyères en fleur, et portant çà et là, à de grands intervalles, des arbres à large tête, qui jetaient des taches sombres sur leurs flancs. De grands bois de cèdres et de sapins descendaient plus haut des cimes élevées, et venaient mourir par bouquets et par clairières autour de nombreux villages druzes dont nous voyions surgir les terrasses, les balcons, les fenêtres en ogive, du sein de la verdure des sapins. Les habitants, couverts de leur beau manteau écarlate, et le front ceint de leur turban à larges plis rouges, montaient sur leurs terrasses pour nous voir passer, et ajoutaient eux-mêmes, par l’éclat de leurs costumes et par la majesté de leurs attitudes, à l’effet grandiose, étrange, pittoresque, du paysage. Partout de belles fontaines turques coulaient à l’entrée ou à la sortie de ces villages. Les femmes et les filles, qui venaient chercher de l’eau dans leurs cruches longues et étroites, étaient groupées autour des bassins, et écartaient un coin de leur voile pour nous entrevoir. La population nous a paru superbe. Hommes, femmes, enfants, tout a la couleur de la force et de la santé. Les femmes sont très-belles. Les traits du visage portaient en général l’empreinte de la fierté et de la noblesse, sans expression de férocité.

Nous fûmes salués partout avec politesse et grâce. On nous offrit l’hospitalité dans tous ces hameaux. Nous ne l’acceptâmes nulle part, et nous continuâmes à gravir, pendant environ trois heures, des pentes escarpées sous des