Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/310

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Un grand nombre de blocs de pierre, creusés pour des tombeaux, nous traçaient la route jusqu’au sommet du mamelon où Séphora était assise : arrivés à la dernière hauteur, nous vîmes une colonne de granit isolée, encore debout, et marquant la place d’un temple ; de beaux chapiteaux sculptés gisaient à terre au pied de la colonne, et d’immenses débris de pierres taillées, enlevées à quelques grands monuments romains, étaient épars partout, et servaient de limites aux champs des Arabes, jusqu’à un mille environ de Séphora, où nous nous arrêtâmes pour la halte du milieu du jour. Une fontaine d’eau excellente et inépuisable y coule pour les habitants de deux ou trois vallées ; elle est entourée de quelques vergers de figuiers et de grenadiers ; nous nous assîmes sous leur ombre, et nous attendîmes plus d’une heure avant de pouvoir abreuver notre caravane, tant était grand le nombre de troupeaux de vaches et de chameaux que les pasteurs arabes y amenaient de tous les côtés de la vallée. — D’innombrables files de chèvres noires et de vaches sillonnaient la plaine et les flancs des collines qui montent vers Nazareth.

Je me couchai, enveloppé de mon manteau, à l’ombre d’un figuier, à peu de distance de la fontaine, et je contemplai longtemps cette scène des anciens jours. Nos chevaux étaient épars autour de nous, les pieds attachés par des entraves, leurs selles turques sur le dos, la crinière pendante, la tête basse, et cherchant l’ombre de leur propre crinière ; — nos armes, sabres, fusils, pistolets, étaient suspendus, au-dessus de nos têtes, aux branches des grenadiers et des figuiers. — Des Arabes bédouins, couverts d’une seule pièce d’étoffe rayée noir et blanc, en poil de chèvre, étaient assis