Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/314

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et de vie au monde intellectuel ! c’était là qu’était sorti de l’obscurité, de la misère et de l’ignorance, le plus grand, le plus juste, le plus sage, le plus vertueux de tous les hommes ; là était son berceau, là, le théâtre de ses actions et de ses prédications touchantes ; de là il était sorti jeune encore avec quelques hommes obscurs et ignorants, auxquels il avait imprimé la confiance de son génie et le courage de sa mission, pour aller sciemment affronter un ordre d’idées et de choses pas assez fort pour lui résister, mais assez fort pour le faire mourir !… de là, dis-je, il était sorti pour aller avec confiance conquérir la mort et l’empire universel de la postérité ! de là avait coulé le christianisme, source obscure, goutte d’eau inaperçue dans le creux du rocher de Nazareth, où deux passereaux n’auraient pu s’abreuver, qu’un rayon de soleil aurait pu tarir, et qui aujourd’hui, comme le grand océan des esprits, a comblé tous les abîmes de la sagesse humaine, et baigné de ses flots intarissables le passé, le présent et l’avenir ! Incrédule donc à la divinité de cet événement, mon âme encore eût été fortement ébranlée en approchant de son premier théâtre, et j’aurais découvert ma tête et incliné mon front sous la volonté occulte et fatalique qui avait fait jaillir tant de choses d’un si faible et si insensible commencement.

Mais, à considérer le mystère du christianisme en chrétien, c’était là, sous ce morceau de ciel bleu, au fond de cette vallée étroite et sombre, à l’ombre de cette petite colline dont les vieilles roches semblaient encore toutes fendues du tressaillement de joie qu’elles éprouvèrent en enfantant et en portant le Verbe enfant, ou du tressaillement de douleur qu’elles ressentirent en ensevelissant le Verbe