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nées par la nature pour servir de base et d’abri à des villages d’Arabes cultivateurs. Nous ne rencontrâmes qu’un de ces villages, deux heures environ avant d’apercevoir la ville de Kaïpha. Les maisons sont basses, sans fenêtres, et couvertes d’un terrassement qui les garantit de la pluie. Au-dessus, les Arabes élèvent, en feuillage soutenu par des troncs d’arbres, un second étage de verdure qu’ils habitent pendant l’été. Ces terrasses étaient couvertes d’hommes et de femmes qui nous regardaient passer, et nous criaient des injures. L’aspect de cette population est féroce : aucun d’eux pourtant n’osa descendre du mamelon pour nous insulter de plus près.

À sept heures, nous approchions de Kaïpha, dont les dômes, les minarets et les murailles blanches forment, comme dans toutes les villes de l’Orient, un aspect brillant et gai à une certaine distance. Kaïpha s’élève au pied du Carmel, sur une grève de sable blanc, au bord de la mer. Cette ville forme l’extrémité d’un arc, dont Saint-Jean d’Acre est l’autre extrémité. Un golfe de deux lieues de large les sépare : ce golfe est un des plus délicieux rivages de la mer sur lesquels l’œil des marins puisse se reposer. Saint-Jean d’Acre, avec ses fortifications dentelées par le canon d’Ibrahim-Pacha et de Napoléon, avec le dôme percé à jour de sa belle mosquée écroulée, avec les voiles qui entrent et sortent de son port, attire l’œil sur un des points les plus importants et les plus illustrés par la guerre : au fond du golfe, une vaste plaine cultivée ; le mont Carmel jetant sa grande ombre sur cette plaine ; puis Kaïpha, comme une sœur de Saint-Jean d’Acre, embrassant l’autre côté du golfe, et s’avançant dans la mer avec son petit môle, où se