Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/357

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absolu. Son fils, jeune homme remarquable par l’honnêteté et l’intelligence, fut employé par quelques consuls, et obtint enfin la place d’agent consulaire de Sardaigne à Kaïpha. C’est avec les faibles appointements de cet emploi précaire qu’il soutient sa mère et ses sœurs.

La sœur aînée de mademoiselle Malagamba, aussi belle que celle que nous avons tant admirée, avait inspiré, nous dit-on, une telle passion à un des jeunes religieux du couvent de Kaïpha, qui avait eu occasion de la voir de la terrasse du couvent, qu’il s’était enfui sur un bâtiment anglais, avait embrassé la religion protestante afin de pouvoir la demander en mariage, et avait tenté tous les moyens de l’enlever sous divers déguisements. On le croyait encore, à cette époque, caché dans quelque ville de la côte de Syrie pour exécuter son projet ; mais les autorités turques veillaient à la sûreté de cette famille ; et si les moines, qui exercent sur les religieux de leur ordre la justice la plus arbitraire et la plus inflexible, parvenaient à découvrir le fugitif, il expierait, dans une éternelle captivité, l’amour insensé que cette beauté fatale a allumé dans son cœur. Nous ne vîmes point cette sœur.

La nuit tombait ; il fallait enfin nous arracher à l’enchantement de cette réception, et aller chercher un asile au couvent du mont Carmel. M. Malagamba était allé prévenir les Pères des hôtes nombreux qui leur arrivaient. Nous nous levâmes, et nous fûmes forcés, pour obéir aux usages du pays, de laisser madame et mademoiselle Malagamba approcher leurs lèvres de nos mains, et nous remontâmes à cheval.