Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/36

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gard ami voyait sans doute notre vaisseau comme un point blanc sur la mer.

Quel monde que ce monde de la prière ! quel lien invisible, mais tout-puissant, que celui d’êtres connus ou inconnus les uns aux autres, et priant ensemble ou séparés les uns pour les autres ! Il m’a toujours semblé que la prière, cet instinct si vrai de notre impuissante nature, était la seule force réelle, ou du moins la plus grande force de l’homme ! L’homme ne conçoit pas son effet ; mais que conçoit-il ? Le besoin qui pousse l’homme à respirer lui prouve seul que l’air est nécessaire à sa vie ! L’instinct de la prière prouve aussi à l’âme l’efficacité de la prière : prions donc ! Et vous qui nous avez inspiré cette merveilleuse communication avec vous, avec les êtres, avec les mondes invisibles ; vous, mon Dieu, exaucez-nous beaucoup ! exaucez-nous au delà de nos désirs !




Même jour, 11 heures du soir.


Une lune splendide semble se balancer entre les mâts, les vergues, les cordages de deux bricks de guerre mouillés non loin de nous entre notre ancrage et les noires montagnes du Var ; chaque cordage de ces bâtiments se dessine à l’œil, sur le fond bleu et pourpre du ciel de la nuit, comme