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et de tous les arbustes à fleurs de l’Orient. Cette forêt, divisée en compartiments par des haies de myrtes, de jasmins et de grenadiers, est arrosée de filets d’eau échappés des belles fontaines turques dont j’ai parlé. Dans chacun de ces enclos on voit un pavillon ouvert ou une tente, sous lesquels la famille qui les possède vient passer quelques semaines au printemps ou en automne. Trois piquets et un morceau de toile forment une maison de campagne pour ces heureuses familles. Les femmes couchent sur des nattes et sur des coussins sous la tente ; les hommes couchent en plein air sous la voûte des citronniers et des grenadiers. Les melons, les pastèques, les figues de trente-deux espèces, qui ombragent ces lieux enchantés, fournissent les tables ; à peine y ajoute-t-on, de temps en temps, un agneau élevé par les enfants, et dont on fait, comme du temps de la Bible, le sacrifice aux jours solennels. Jaffa est le lieu de tout l’Orient qu’un amant de la nature et de la solitude devrait choisir pour passer les hivers. Le climat est la transition la plus indécise entre les déserts dévorants de l’Égypte et les pluies des côtes de Syrie, en automne. Si j’étais maître de choisir mon séjour, j’habiterais le pied du Liban, Saïde, Bayruth ou Latakieh pendant le printemps et l’automne ; les hauteurs du Liban pendant les chaleurs de l’été, rafraîchies par les vents de mer, par le souffle qui sort de la vallée des Cèdres, et par le voisinage des neiges ; et l’hiver, les jardins de Jaffa.

Jaffa a quelque chose, dans son ciel et dans son sol, de plus grandiose, de plus solennel, de plus coloré, qu’aucun des sites que j’aie parcourus. L’œil ne s’y repose que sur une mer sans limites et bleue comme son ciel ; sur les im-