Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En entrant dans la ville, nous nous informons si la peste y exerçait déjà ses ravages : deux religieux, arrivés de Jérusalem, venaient d’y mourir dans la journée ; le couvent était en quarantaine. Nos nouveaux amis de Jaffa nous conduisirent à leur maison, située au milieu de la ville. Un Arabe, ancien chaudronnier, dit-on, mais aimable et excellent homme, habitait la moitié de cette maison, et exerçait les fonctions d’agent consulaire pour je ne sais quelle nation d’Europe ; cela lui donnait le droit d’avoir un drapeau européen sur le toit de sa maison : c’est la sauvegarde la plus certaine contre les avanies des Turcs et des Arabes. Un excellent souper nous attendait : nous eûmes le plaisir de trouver des chaises, des lits, des tables, tous les ustensiles de l’Europe, et nous emportâmes encore une provision de pains frais que nous dûmes à l’obligeance de nos hôtes. Le lendemain matin, nous prîmes congé de tous nos amis de Jaffa et de Ramla, qui ne nous accompagnèrent pas plus loin, et nous partîmes, escortés seulement de nos cavaliers et de nos fantassins égyptiens.

J’établis ainsi l’ordre de la marche : deux cavaliers en avant, à environ cinquante pas de la caravane, pour écarter les Arabes ou les pèlerins juifs que nous aurions pu rencontrer, et les tenir à distance de nos hommes et de nos chevaux ; à droite et à gauche, sur nos flancs, les soldats à pied : nous marchions un à un à la file, sans déranger l’ordre, les bagages au milieu. Une petite escouade de nos meilleurs cavaliers formait l’arrière-garde, avec ordre de ne laisser ni homme ni mulet en arrière. À l’aspect d’un corps d’Arabes suspect, la caravane devait faire halte et se mettre en bataille, pendant que les cavaliers, les interprètes et