Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/417

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sives et dégradées : ils ressemblent à un brillant arc-en-ciel, dont le cercle se serait brisé dans le firmament, et qui se disséminerait dans les airs. — C’est la troisième fois que ce beau phénomène de l’aurore ou du coucher du soleil se présente à nous sous cet aspect, depuis que nous sommes dans la région montagneuse de la Galilée et de la Judée ; c’est l’aurore ou le soir tels que les peintres antiques les représentent, image qui paraîtrait fausse à qui n’a pas été témoin de la réalité. — À mesure que le jour monte, l’éclat distinct et la couleur azurée ou enflammée de chacune de ces barres lumineuses diminue, et se fond dans la lueur générale de l’atmosphère ; et la lune qui était suspendue sur nos têtes, rose encore et couleur de feu, s’efface, prend une teinte nacrée, et s’enfonce dans la profondeur du ciel comme un disque d’argent, dont la couleur pâlit à mesure qu’il s’enfonce dans une eau profonde.

Après avoir gravi une seconde montagne, plus haute et plus nue encore que la première, l’horizon s’ouvre tout à coup sur la droite, et laisse voir tout l’espace qui s’étend entre les derniers sommets de la Judée où nous sommes, et la haute chaîne des montagnes d’Arabie. Cet espace est inondé déjà de la lumière ondoyante et vaporeuse du matin ; après les collines inférieures qui sont sous nos pieds, roulées et brisées en blocs de roches grises et concassées, l’œil ne distingue plus rien que cet espace éblouissant et si semblable à une vaste mer, que l’illusion fut pour nous complète, et que nous crûmes discerner ces intervalles d’ombre foncée et de plaques mates et argentées, que le jour naissant fait briller ou fait assombrir sur une mer calme. Sur les bords de cet océan imaginaire, un peu sur la gauche de