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Golfe de la Ciotat, 14 au soir.


Le vent est mort, et rien n’annonce son retour. La surface du golfe n’a pas un pli ; la mer est si plane, qu’on y distingue çà et là l’impression des ailes transparentes des moustiques qui flottent sur ce miroir, et qui seules le ternissent à cette heure. Voilà donc à quel degré de calme et de mansuétude peut descendre cet élément qui soulève les vaisseaux à trois ponts sans connaître leur poids, qui ronge des lieues de rivage, use des collines et fend les rochers, brise des montagnes sous le choc de ses lames mugissantes ! Rien n’est si doux que ce qui est fort.

Nous descendons à terre, sur les instances de notre capitaine, qui veut nous présenter à sa femme et nous montrer sa maison. La ville ressemble aux jolies villes du royaume de Naples sur la côte de Gaëte. Tout est rayonnant, gai, serein ; l’existence est une fête continuelle dans les climats du Midi. Heureux l’homme qui naît et qui meurt au soleil ! Heureux surtout celui qui a sa maison, la maison et le jardin de ses pères, aux bords de cette mer dont chaque vague est une étincelle qui jette sa lumière et son éclat sur la terre ! Les hautes montagnes exceptées, qui empruntent la clarté de leurs cimes et de leurs horizons aux neiges qui les couvrent, au ciel dans lequel elles plongent, aucun site de l’intérieur des terres, quelque riant, quelque gracieux que le fassent les collines, les arbres et les fleuves, ne peut lutter