Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pleines de femmes, d’enfants et d’esclaves, portant des corbeilles de fleurs qu’elles plantent pour la journée autour du tombeau.

Nos cavaliers de Naplouse entrent seuls dans la ville, et vont avertir le gouverneur de notre arrivée. Pendant qu’ils portent notre message, nous ôtons nos souliers, nos bottes et nos sous-pieds de drap, qui sont susceptibles de prendre la peste, et nous chaussons des babouches de maroquin, nous nous frottons d’huile et d’ail, préservatif que j’ai imaginé d’après le fait connu à Constantinople, que les marchands et les porteurs d’huile sont moins sujets à la contagion. Au bout d’une demi-heure, nous voyons sortir de la porte de Bethléem le kiaya du gouverneur, l’interprète du couvent des moines latins, cinq ou six cavaliers revêtus de costumes éclatants et portant des cannes à pommeaux d’or et d’argent, enfin nos propres cavaliers de Naplouse et quelques jeunes pages aussi à cheval. Nous allons à leur rencontre, ils forment la haie autour de nous, et nous entrons par la porte de Bethléem. Trois pestiférés, morts de la nuit, en sortaient au même moment, et nous disputent un instant le passage avec leurs porteurs, sous la voûte sombre de l’entrée de la ville. Immédiatement après avoir franchi cette voûte, nous nous trouvons dans un carrefour composé de petites et misérables maisons, et de quelques jardins incultes, dont les murs d’enceinte sont éboulés. Nous suivons un moment le chemin le plus large de ce carrefour : il nous mène à une ou deux petites rues aussi obscures, aussi étroites, aussi sales ; nous ne voyons, dans ces rues, que des convois de morts qui passent d’un pas précipité en se rangeant contre les murailles, à la voix et sous le