Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/454

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peu au-dessus de moi à ma gauche ; je vois les cimes des beaux cyprès qui élèvent leurs têtes pyramidales au-dessus des portiques de la mosquée El-Aksa, et les dômes des orangers qui recouvrent la belle fontaine du temple appelée la Fontaine de l’Oranger. Cette fontaine me rappelle une des plus délicieuses traditions orientales inventées, transmises ou conservées par les Arabes. Voici comment ils racontent que Salomon choisit le sol de la mosquée :

« Jérusalem était un champ labouré ; deux frères possédaient la partie de terrain où s’élève aujourd’hui le temple ; l’un de ces frères était marié et avait plusieurs enfants, l’autre vivait seul ; ils cultivaient en commun le champ qu’ils avaient hérité de leur mère ; le temps de la moisson venu, les deux frères lièrent leurs gerbes, et en firent deux tas égaux qu’ils laissèrent sur le champ. Pendant la nuit, celui des deux frères qui n’était pas marié eut une bonne pensée ; il se dit à lui-même : « Mon frère a une femme et des enfants à nourrir, il n’est pas juste que ma part soit aussi forte que la sienne ; allons, prenons de mon tas quelques gerbes que j’ajouterai secrètement aux siennes ; il ne s’en apercevra pas, et ne pourra ainsi refuser. » Et il fit comme il avait pensé. La même nuit, l’autre frère se réveilla, et dit à sa femme : « Mon frère est jeune, il vit seul et sans compagne, il n’a personne pour l’assister dans son travail et pour le consoler dans ses fatigues, il n’est pas juste que nous prenions du champ commun autant de gerbes que lui ; levons-nous, allons, et portons secrètement à son tas un certain nombre de gerbes, il ne s’en apercevra pas demain, et ne pourra ainsi les refuser. » Et ils firent comme ils avaient pensé. Le lendemain, chacun des frères se rendit