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tempête et la vague, avec cette régularité calme et silencieuse de nos laboureurs de Saint-Point maniant la herse ou la charrue ; laboureurs de mer, paisibles et chantants comme les hommes de nos vallées, suivant aux rayons du soleil du matin leurs longs sillons fumants sur les flancs de leurs collines.




16 juillet.


Réveillé de bonne heure, j’entendis ce matin, sur le pont immobile, la voix des matelots avec le chant du coq et le bêlement de la chèvre et de nos moutons. Quelques voix de femmes et des voix d’enfants complétaient l’illusion ; j’aurais pu me croire couché dans la chambre de bois d’une cabane de paysans, sur les bords du lac de Zurich ou de Lucerne. Je montai : c’étaient des enfants de quelques-uns de nos matelots que leurs femmes avaient amenés à leurs pères. Ceux-ci les asseyaient sur les canons, les tenaient debout sur les balustrades du navire, les couchaient dans la chaloupe, les berçaient dans le hamac avec cette tendresse dans l’accent et ces larmes dans les yeux qu’auraient pu avoir des mères ou des nourrices. Braves gens aux cœurs de bronze contre les dangers, aux cœurs de femmes pour ce qu’ils aiment, rudes et doux comme l’élément qu’ils pratiquent ! Qu’il soit pasteur, qu’il soit marin, l’homme qui a une fa-