Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/68

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imprécation qui suivent, feront toujours pardonner à Virgile.

La partie historique de Carthage est plus poétique que sa poésie. La mort céleste et les funérailles de saint Louis ; — l’aveugle Bélisaire ; — Marius expiant parmi des bêtes féroces, sur les ruines de Carthage, bête féroce lui-même, les crimes de Rome ; — la journée lamentable où, semblable au scorpion entouré de feu qui se perce lui-même de son dard empoisonné, Carthage, entourée par Scipion et Massinissa, met elle-même le feu à ses édifices et à ses richesses, — la femme d’Asdrubal, renfermée avec ses enfants dans le temple de Jupiter, reprochant à son mari de n’avoir pas su mourir, et allumant elle-même la torche qui va consumer elle et ses enfants, et tout ce qui reste de sa patrie, pour ne laisser que de la cendre aux Romains ! — Caton d’Utique, les deux Scipion, Annibal, tous ces grands noms s’élèvent encore sur le cap abandonné, comme des colonnes debout devant un temple renversé. — L’œil ne voit rien qu’un promontoire nu s’élevant sur une mer déserte, quelques citernes vides ou remplies de leurs propres débris, quelques aqueducs en ruine, quelques môles ravagés par les flots, et recouverts par la lame ; une ville barbare auprès, où ces noms mêmes sont inconnus comme ces hommes qui vivent trop vieux, et qui deviennent étrangers dans leur propre pays. Mais le passé suffit là où il brille de tant d’éclat de souvenirs. — Que sais-je même si je ne l’aime pas mieux seul, isolé au milieu de ses ruines, que profané et troublé par le bruit et la foule des générations nouvelles ? Il en est des ruines ce qu’il en est des tombeaux : — au milieu du tumulte d’une grande ville et de la fange de nos rues, ils