Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/82

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bles qui respirent la brise de mer ou se couchent aux tièdes rayons du soleil de Sicile, de Malte ou du Bosphore, que la loi leur soit faite par un prêtre, par un pacha ou par un parlement ? Cela change-t-il quelque chose à leurs relations avec la nature, les seules qui les occupent ? Non, sans doute : toute société libre ou absolue se résout toujours en servitudes plus ou moins senties. — Nous sommes esclaves des lois variables et capricieuses que nous nous faisons, ils le sont de la loi immuable de la force que Dieu leur fait ; — tout cela, pour le bonheur ou le malheur, revient au même : — pour la dignité humaine et pour le progrès de l’intelligence et de la morale de l’homme, — non, — non. Encore faudrait-il examiner avant de prononcer ce non. — Prenez au hasard cent hommes parmi ces peuples esclaves, et cent hommes parmi nos peuples soi-disant libres, et pesez. — Où se trouve-t-il plus ou moins de morale et de vertu ? — Je le sais bien, mais je frémis de le dire. — Si quelqu’un lisait ceci après moi, on me soupçonnerait de partialité pour le despotisme ou de mépris pour la liberté. — On se tromperait ! — J’aime la liberté comme un effort difficile et ennoblissant pour l’humanité, — comme j’aime la vertu pour son mérite et non pour sa récompense ; mais il s’agit de bonheur, et en philosophe j’examine, et je dis comme Montaigne : Que sais-je ? Le fait est que nos questions politiques, si capitales dans nos lycées, ou dans nos cafés, ou dans nos clubs, sont bien petites vues de loin, au milieu de l’Océan, au haut des Alpes, à la hauteur de la contemplation philosophique ou religieuse. — Ces questions n’intéressent que quelques hommes qui ont du pain et des heures de reste ; — la foule n’a affaire qu’à la nature : — une bonne, belle et divine religion, voilà la politique à l’usage des