Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/123

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fleuve, Nahr-el-Kelb, le fleuve du Chien. Il coule silencieusement entre deux parois de rochers perpendiculaires, de deux ou trois cents pieds d’élévation. Il remplit toute la vallée dans certains endroits ; dans d’autres, il laisse seulement une marge étroite entre ses ondes et le rocher. Cette marge est couverte d’arbres, de cannes à sucre, de roseaux et de lianes, qui forment une voûte verte et épaisse sur les rives et quelquefois sur le lit entier du fleuve. Un kan ruiné est jeté sur le roc, au bord de l’eau, vis-à-vis d’un pont à arche élancée, sur lequel on passe en tremblant. Dans les flancs des rochers qui forment cette vallée, la patience des Arabes a creusé quelques sentiers en gradins de pierre, qui pendent presque à pic sur le fleuve, et qu’il faut cependant gravir et descendre à cheval. Nous nous abandonnâmes à l’instinct et aux pieds de biche de nos chevaux ; mais il était impossible de ne pas fermer les yeux dans certains passages, pour ne pas voir la hauteur des degrés, le poli des pierres, l’inclinaison du sentier, et la profondeur du précipice. C’est là que le dernier légat du pape auprès des Maronites fut précipité par un faux pas de son cheval, et périt il y a quelques années.

À l’issue de ce sentier on se trouve sur des plateaux élevés, couverts de cultures, de vignes, et de petits villages maronites. On aperçoit sur un mamelon, devant soi, une jolie maison neuve, d’architecture italienne, avec portique, terrasses et balustrades. C’est la demeure que monsignor Lozanna, évêque d’Abydos, et légat actuel du saint-siége en Syrie, s’est fait construire pour passer les hivers. Il habite l’été le monastère de Kanobin, résidence du patriarche, et capitale ecclésiastique des Maronites. Ce couvent,