Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/125

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nus de France après la révolution de Juillet, occupent maintenant seuls ce beau et vaste couvent, bâti jadis par les jésuites ; les jésuites ont essayé plusieurs fois d’établir leur mission et leur influence parmi les Arabes ; ils n’ont jamais réussi, et ne paraissent pas destinés à plus de succès de nos jours. La raison en est simple : il n’y a point de politique dans la religion des hommes de l’Orient ; complètement séparée de la puissance civile, elle ne donne ni influence ni action dans l’État ; l’État est mahométan, le catholicisme est libre, mais il n’a aucun moyen humain de domination ; or, c’est surtout par les moyens humains que le système des jésuites a essayé d’agir et agit religieusement : ce pays ne leur convenait pas. La religion y est divisée en communions orthodoxes ou schismatiques, dont les croyances font partie du sang et de l’esprit héréditaire des familles. Il y a repoussement et haine irréconciliables entre les diverses communions chrétiennes, bien plus qu’entre les Turcs et les chrétiens. Les conversions sont impossibles là où le changement de communion serait un opprobre qui flétrirait, et que punirait souvent de mort une tribu, un village, une famille : quant aux mahométans, il est inouï qu’on en ait jamais converti. Leur religion est un déisme pratique, dont la morale est la même en principe que celle du christianisme, moins le dogme de la divinité de l’homme. Le dogme du mahométisme n’est que la croyance dans l’inspiration divine, manifestée par un homme plus sage et plus favorisé de l’émanation céleste que le reste de ses semblables ; on a mêlé plus tard quelques faits miraculeux à la mission de Mahomet, mais ces miracles des légendes islamiques ne sont pas le fond de la religion, et ne sont pas admis par les Turcs éclairés. Toutes les religions ont leurs légendes, leurs