Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/151

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la mer de Génésareth, autrement le lac de Tibériade. Du côté du nord, vous apercevez un coin de la mer qui s’avance, comme un lac dormant, dans la plaine, cachée à demi par les verts massifs de la ravissante colline de San-Dimitri, la plus belle colline de la Syrie. Dans ce lac, dont vous n’apercevez pas la jonction avec la mer, quelques navires sont toujours à l’ancre, et se balancent gracieusement sur la vague, dont l’écume vient mouiller les lentisques, les lauriers-roses et les nopals. — De la rade, un pont construit par les Romains d’abord, et restauré par Fakar-el-Din, jette ses arches, élevées en ogives, sur la rivière de Bayruth, qui court à travers la plaine, où elle répand la vie et la verdure, et va se perdre, non loin, dans la rade.

Cette promenade est la dernière que je fis avec Julia. Elle montait pour la première fois un cheval du désert que je lui avais ramené de la mer Morte, et dont un domestique arabe tenait la bride. Nous étions seuls ; la journée, quoique nous fussions en novembre, était éclatante de lumière, de chaleur et de verdure. Jamais je n’avais vu cette admirable enfant dans une ivresse si complète de la nature, du mouvement, du bonheur d’exister, de voir et de sentir : elle se tournait à chaque instant vers moi pour s’écrier ; et quand nous eûmes fait le tour de la colline de San-Dimitri, traversé la plaine et gagné les pins, où nous nous arrêtâmes : « N’est-ce pas, me dit-elle, que c’est la plus longue, la plus belle et la plus délicieuse promenade que j’aie encore faite de ma vie ? » Hélas oui ! et c’était la dernière ! — Quinze jours après, je me promenais seul et pleurant sous les mêmes arbres, n’ayant plus que dans le cœur cette ravissante image de la plus céleste créature que le ciel m’ait