Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/152

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donnée à voir, à posséder et à pleurer. — Je ne vis plus ; — la nature n’est plus animée pour moi par tout ce qui me la faisait sentir double dans l’âme de mon enfant : — je la regarde encore, elle ravit toujours mes yeux, mais elle ne soulève plus mon cœur ; ou si elle le soulève à mon insu par minutes, par instants, il retombe aussitôt, froid et brisé, sur le fonds de tristesse désolante et d’amertume où la volonté de Dieu l’a placé par tant de pertes irréparables.

Du côté du couchant, l’œil est d’abord arrêté par de légères collines de sable rouge comme la braise d’un incendie, et d’où s’élève une vapeur d’un blanc rose, semblable à la réverbération d’une gueule de four allumé ; puis, en suivant la ligne de l’horizon, il passe par-dessus ce désert, et arrive à la ligne bleu foncé de la mer, qui termine tout, et se fond au loin, avec le ciel, dans une brume qui laisse leur limite indécise. Toutes ces collines, toute cette plaine, les flancs de toutes les montagnes, portent un nombre infini de jolies maisonnettes isolées, dont chacune a son verger de mûriers, son pin gigantesque, ses figuiers, et çà et là, par groupes plus compactes et plus frappants pour l’œil, de beaux villages ou des groupes de monastères, qui s’élèvent sur leur piédestal de rochers, et répercutent au loin sur la mer les rayons jaunes du soleil d’Orient. — Deux à trois cents de ces monastères sont répandus sur toutes les crêtes, sur tous les promontoires, dans toutes les gorges du Liban : c’est le pays le plus religieux du monde, et le seul pays peut-être où l’existence du système monacal n’ait pas encore amené les abus qui l’ont fait détruire ailleurs. — Ces religieux, pauvres et utiles, vivent du travail de leurs mains,