Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/186

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colline artificielle qui porte tous les grands monuments d’Héliopolis, nous apparaissait çà et là entre les rameaux et au-dessus de la tête des grands arbres ; enfin, nous la découvrîmes en entier, et toute la caravane s’arrêta, comme par un instinct électrique.

Aucune plume, aucun pinceau ne pourraient décrire l’impression que ce seul regard donne à l’œil et à l’âme. Sous nos pas, dans le lit du torrent, au milieu des champs, autour de tous les troncs d’arbres, des blocs de granit rouge ou gris, de porphyre sanguin, de marbre blanc, de pierre jaune, aussi éclatante que le marbre de Paros ; tronçons de colonnes, chapiteaux ciselés, architraves, volutes, corniches, entablements, piédestaux ; membres épars, et qui semblent palpitants ; des statues tombées la face contre terre : tout cela confus, groupé en monceaux, disséminé et ruisselant de toutes parts, comme les laves d’un volcan qui vomirait les débris d’un grand empire : à peine un sentier pour se glisser à travers ces balayures des arts qui couvrent toute la terre. Le fer de nos chevaux glissait et se brisait à chaque pas dans les acanthes polies des corniches, ou sur le sein de neige d’un torse de femme : l’eau seule de la rivière de Balbek se faisait jour parmi ces lits de fragments, et lavait de son écume murmurante les brisures de ces marbres qui font obstacle à son cours.

Au delà de ces écumes de débris qui forment de véritables dunes de marbre, la colline de Balbek, plate-forme de mille pas de long, de sept cents pieds de large, toute bâtie de main d’homme, en pierres de taille, dont quelques-unes ont cinquante à soixante pieds de longueur, sur quinze à