Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/209

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Je marchais à la tête de la caravane, à quelques pas derrière les Arabes de Zebdani ; tout à coup ils s’arrêtent, et poussent des cris de joie en me montrant une ouverture dans le rebord de la route ; je m’approche, et mon regard plonge, à travers l’échancrure de la roche, sur le plus magnifique et le plus étrange horizon qui ait jamais étonné un regard d’homme : c’était Damas et son désert sans bornes à quelques centaines de pieds sous mes pas. Le regard tombait d’abord sur la ville, qui, entourée de ses remparts de marbre jaune et noir, flanquée de ses innombrables tours carrées de distance en distance, couronnée de ses créneaux sculptés, dominée par sa forêt de minarets de toutes formes, sillonnée par les sept branches de son fleuve et ses ruisseaux sans nombre, s’étendait à perte de vue dans un labyrinthe de jardins en fleur, jetait ses bras immenses çà et là dans la vaste plaine, partout ombragée, partout pressée par la forêt (de dix lieues de tour) de ses abricotiers, de ses sycomores, de ses arbres de toutes formes et de toute verdure ; semblait se perdre de temps en temps sous la voûte de ces arbres, puis reparaissait plus loin en larges lacs de maisons, de faubourgs, de villages ; labyrinthe de jardins, de vergers, de palais, de ruisseaux, où l’œil se perdait, et ne quittait un enchantement que pour en retrouver un autre.

Nous ne marchions plus ; tous pressés à l’étroite ouverture du rocher percé comme une fenêtre, nous contemplions, tantôt avec des exclamations, tantôt en silence, le magique spectacle qui se déroulait ainsi subitement et tout entier sous nos yeux, au terme d’une route, à travers tant de rochers et de solitudes arides, au commencement d’un autre désert qui n’a pour bornes que Bagdhad et Bassora, et qu’il