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Damas, 4 avril.


Il y a trente mille chrétiens à Damas et quarante mille à Bagdhad. Les chrétiens de Damas sont Arméniens ou Grecs. Quelques prêtres catholiques desservent ceux de leur communion. Les habitants de Damas souffrent les moines catholiques. Ils ont l’habitude de leur costume, et les considèrent comme des Orientaux. J’ai vu plusieurs fois, ces jours-ci, deux prêtres lazaristes français qui ont un petit couvent enfoui dans le pauvre quartier des Arméniens. L’un d’eux, le père Poussous, vient passer les soirées avec nous. C’est un homme excellent, pieux, instruit et aimable. Il m’a mené dans son couvent, où il instruit de pauvres enfants arabes chrétiens. Le seul amour du bien à faire le retient dans ce désert d’hommes, où il a sans cesse à craindre pour sa sûreté. Il est néanmoins gai, serein, résigné. De temps en temps il reçoit, par les caravanes de Syrie, des nouvelles et des secours de ses supérieurs de France, et quelques journaux catholiques. Il m’en a prêté, et rien ne me semble plus étrange que de lire ces tracasseries pieuses ou politiques du quartier de Saint-Sulpice, aux bords du désert de Bagdhad, derrière le Liban et l’Anti-Liban, près Balbek, au centre d’une immense fourmilière d’autres hommes occupés de tout autres idées, et où le bruit que nous faisons et les noms de nos grands hommes de l’année n’ont jamais retenti. Vanité des vanités, excepté de servir Dieu et les hommes pour Dieu ! Jamais on n’est plus pénétré de cette vérité qu’en