Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/243

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route fatigante, ce magnifique animal vole comme une gazelle sur le terrain rocailleux du désert ; en un instant il a devancé les meilleurs coureurs de la caravane ; il est doux et intelligent comme le cygne, dont il a la blancheur et l’encolure. Je veux le ramener en Europe avec Scham et Saïde. Aussitôt que je suis descendu, il m’échappe, et va bondissant rejoindre l’Arabe Mansours, qui le soigne et le conduit ; il pose sa tête sur ses épaules comme un chien caressant ; il y a fraternité complète entre l’Arabe et le cheval, comme entre nous et le chien. Mansours et Daher, mes deux principaux saïs arabes, que j’ai pris aux environs de Bayruth et qui sont à mon service depuis près d’un an, sont les plus fidèles et les plus doux des hommes : sobres, infatigables, intelligents, attachés à leur maître et à leurs chevaux, toujours prêts à combattre avec nous, si un péril s’annonce. Que ne ferait pas un chef habile avec une pareille race d’hommes ? Si j’avais le quart des richesses de tel banquier de Paris ou de Londres, je renouvellerais en dix ans la face de la Syrie : tous les éléments d’une régénération sont là ; il ne manque qu’une main pour les réunir, un coup d’œil pour poser une base, une volonté pour y conduire un peuple.

Couchés dans une espèce d’hôtellerie isolée dans une plaine élevée, par un froid extrême, nous trouvons un peu de bois pour allumer un feu dans la chambre basse où nous étendons nos tapis ; nos provisions de Damas sont épuisées ; nous faisons pétrir un peu de farine d’orge destinée à nos chevaux, et nous mangeons ces galettes amères et noirâtres.

Partis au jour ; marché douze heures ; arrivés, toujours