Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/248

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habitants distribue ses eaux en mille ruisseaux. Des rideaux de hauts peupliers de Perse s’étendent à perte de vue sur son cours, et dirigent l’œil, comme une avenue verdoyante, jusque sur le désert de Balbek et sur les cimes neigeuses de l’Anti-Liban. Presque tous les habitants sont des Grecs syriaques ou des Grecs de Damas. Les maisons ressemblent à de misérables huttes de paysans de Savoie ou de Bresse ; mais dans chaque maison on voit une boutique, un atelier, où des selliers, des armuriers, des horlogers même, travaillent, avec des instruments grossiers, à des ouvrages de leur état.

Le peuple nous a paru bon et hospitalier. L’aspect d’étrangers comme nous, bien loin de les effrayer ou de les émouvoir, semblait leur être agréable. Ils nous ont offert tous les petits services que notre situation comportait, et paraissaient fiers de la prospérité croissante de leur ville. Zarklé semble le premier appendice d’une grande ville de commerce, destinée à faire face à Damas pour le commerce de la race chrétienne avec la race mahométane. Si la mort de l’émir Beschir ne détruit pas l’unité de domination qui fait la force du Liban, Zarklé, d’ici à vingt ans, sera la première ville de Syrie. Toutes dépérissent : elle seule croît ; toutes dorment : elle seule travaille. Le génie grec porte partout le principe d’activité qui est dans le sang de cette race européenne. Mais l’activité du Grec asiatique est utile et féconde ; celle du Grec de la Morée et des îles n’est qu’une stérile agitation. L’air d’Asie adoucit le sang des Grecs : là, c’est un peuple admirablement doux ; mais ailleurs, il est fort souvent barbare. Il en est de même pour la beauté physique de la race. Les femmes grecques de l’Asie